Près de 52 ans après leur première scène, les Tri Yann tirent officiellement leur révérence ce samedi. Le célèbre trio breton, qui détient le record de longévité d’un groupe français, donne le dernier de ses cinq concerts d’adieux ce soir, à 20h30, à la Cité des congrès de Nantes. Grands défenseurs de la Bretagne historique et de la musique celtique, les trois Jean, septuagénaires aujourd’hui, auront vendu plus de trois millions de disques grâce à quelques titres emblématiques comme La Jument de Michao, Les Prisons de Nantes, Les Filles des forges ou Le Pelot d’Hennebont. Clap de fin avec le plus exalté de la bande, Jean-Louis Jossic.
Pourquoi ce choix de dire stop ?
Physiquement ça devient dur. Sur les trois de départ, il y en a deux qui sont dans un état qui décline un peu par rapport à ce qu’on attend d’un groupe sur une scène. Personnellement, j’ai des pépins neurologiques qui me rendent les déplacements difficiles. Jean voulait arrêter à 49 ans de carrière. Avec Jean-Paul on l’a convaincu qu’il fallait faire une année de plus, terminer sur un jubilé. 50 c’est tellement beau ! Bon, en fait, ça s’est un peu prolongé [rires]…
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On a dû reporter cinq fois ! On a joué de malchance, c’était incroyable ! A chaque fois on se disait, c’est pas grave, ça ira mieux dans trois mois. Et puis non. On a profité d’accalmies pour faire Paris, Brest et Rennes, mais Angers et Nantes on n’a pas réussi. On était extrêmement frustrés. On finissait par avoir du mal à y croire pour septembre.
Avez-vous eu la tentation d’arrêter comme ça ?
Ah non, surtout pas ! Impossible. Malgré les reports, le public ne nous a jamais lâchés. Bien sûr il y avait des billets qui se revendaient, mais pas énormément, tout juste 10 %. La grande majorité ne voulait pas rater le rendez-vous. On ne se voyait pas abandonner.
Depuis quelques jours, certains fans exhibent fièrement sur les réseaux sociaux les billets des derniers concerts de Tri Yann pour dire « j’y étais ». Ça vous étonne ?
Tout nous étonne ! On n’a jamais été blasé, on reste émerveillé par ce qu’on vit. On découvre mois après mois à quel point le public nous aime. On le savait, mais à ce point-là, c’est fort. Des gens relient nos chansons à tel ou tel événement personnel, d’autres ont quitté leur région pour venir s’installer en Bretagne parce qu’ils ont découvert à travers nos concerts un pays qui leur paraissait dynamique. Evidemment ça nous touche.
Arrivez-vous à profiter du moment ?
C’est assez spécial. N’ayant pas chanté sur scène depuis plus d’un an, il nous manquait au départ une certaine décontraction dans les échanges avec le public. Maintenant ça y est, on est cool, on se laisse porter. On sait que ça se termine, qu’on va chanter pour la dernière fois des morceaux qui voyagent avec nous depuis tant d’années, mais, pour l’instant, on vit le moment sans se laisser submerger.
Mais ce samedi soir, c’est la der des der…
Oui… Ce sera peut-être difficile. Il y aura forcément énormément d’émotion. C’est 50 ans d’histoire d’amour avec le public qu’on referme. Mais c’est surtout 50 ans d’une vraie histoire d’amitié entre Jean, Jean-Paul et Jean-Louis. 50 ans après, on se connaît par cœur, on ne s’est toujours pas tapé dessus et on reste une vraie bande de copains.
Quelles images garderez-vous de cette longue carrière ?
Pour chacun de nous il y a un souvenir différent. Ça peut être le stade de France, la Beaujoire, telle rencontre à telle année… Il y a des tas de choses. Pour moi, c’est une petite chapelle des Côtes d’Armor, qui s’appelle Ker Maria an Iskuit, et qui possède sur un mur une fresque de danse médiévale. Cette fresque était très abîmée, elle allait être restaurée et, il y a quelques années, on nous a demandé de venir car on avait composé une chanson sur cette fresque. On a alors chanté dans la chapelle devant 250 mômes du coin, leurs familles, les ouvriers qui travaillaient sur place. C’était un petit concert de rien du tout, annoncé nulle part, mais il s’est passé quelque chose à ce moment-là. C’était une très belle rencontre.
Allez-vous laisser une trace auprès la nouvelle génération ?
Ce n’est pas à nous de le dire. Mais, parmi les jeunes, il y en a qui commencent à le dire. Laisser une trace émotionnelle ça nous ferait plaisir, oui. Ce serait la reconnaissance enfin de nos pairs, j’entends par là tous les gens du mouvement breton, ceux qui au début nous crachaient à la gueule parce qu’on faisait un truc moderne, un truc déjanté, avec des costumes étranges, de l’ironie. On utilisait l’humour pour faire passer des idées parfois très sérieuses sur les hommes, le territoire, l’écologie. Ils n’ont pas compris la démarche au début. Et le fait que, l’an passé, on a reçu le Collier de l’hermine, qui est une distinction donnée à ceux qui ont fait quelque chose pour la Bretagne, sa culture, son développement économique et politique, ça nous a touchés. Ce sont les enfants de ceux qui nous ont rejetés qui nous ont offert cette distinction. Ça montre que, quand même, on ne s’était pas totalement trompé.
Toute cette effervescence ne risque-t-elle pas de vous manquer ?
Ça va certainement me manquer, le contact avec le public en particulier. Il y aura un pincement au cœur. Mais on arrête la scène, ça ne veut pas dire qu’on s’interdit de faire de la musique, du disque ou d’autres projets. A partir du moment où on fait d’autres choses, ça ira, j’en suis sûr.