Assurance-chômage : La colère des demandeurs d’emploi face à « une réforme profondément injuste »

Ce vendredi, la réforme de l’assurance-chômage est entrée en action.Plusieurs centaines de milliers de demandeurs d’emploi vont voir leur indemnité réduite de près d’un cinquième en moyenne.Face à une réforme jugée violente et injuste, la colère gronde.

Ce vendredi, la réforme de l’assurance chômage est entrée en vigueur. En raison du changement du mode de calcul de l’indemnisation, de nombreux futurs chômeurs vont voir leur indemnité baisser. Jusqu’à présent, le salaire journalier de référence (SJR) était obtenu en divisant les salaires bruts perçus au cours des 12 derniers mois par le nombre de jours travaillés. Avec la réforme, une partie des jours non travaillés au cours des 24 derniers mois seront comptabilisés dans le SJR.

Selon une estimation rendue publique en avril par l’Unédic, jusqu’à 1,15 million de demandeurs d’emploi vont voir leur allocation diminuer de 17 % en moyenne. Dans le même temps, la durée théorique d’indemnisation sera plus longue, passant de onze à quatorze mois en moyenne. Les syndicats dénoncent un faux avantage, puisque peu de chômeurs iraient au bout de leur indemnisation totale, retrouvant un emploi avant. L’Unédic estime donc qu’« environ 63 % des allocataires qui seront impactés par la réforme au cours de la première année bénéficieront d’une indemnisation totale inférieure tandis que 23 % percevront une indemnisation au total supérieure ».

« On ne peut plus vivre entre deux contrats »

Cette réforme ne s’applique pas rétroactivement, à savoir pour les personnes touchant actuellement une allocation ou ayant fini leur contrat avant le 30 septembre. Pour les futurs chômeurs par contre, au désespoir s’ajoute la colère. Le CDD de Grégoire* se termine le vendredi 8 octobre et, en tant que journaliste enchaînant des périodes d’emploi et des périodes sans activité, il fait partie des travailleurs qui seront les plus impactés par cette réforme : son allocation-chômage va être diminuée de presque la moitié, et s’établira désormais à moins de 700 euros. « C’est une réforme profondément injuste et cruelle. J’ai cotisé des années durant, et ne me dites pas qu’on a prélevé autant de mon salaire pour me payer ensuite si peu quand je suis au chômage. » Dans une profession extrêmement précaire, a fortiori depuis la crise du coronavirus, il dénonce : « On ne peut plus vivre entre deux contrats. Cette réforme empire massivement la précarité. Personne n’aime être au chômage ou ne pas travailler pendant des mois mais au moins, avant, on pouvait survivre. »

En conséquence de cette baisse massive de revenus, Grégoire, 32 ans, va retourner vivre chez ses parents, à Bordeaux. « Cela me rend moins mobile, notamment pour la recherche d’emploi sur Paris, qui concentre la majorité des boulots de journalisme. Cette réforme renforce la difficulté de reprendre un emploi : moins on a d’argent, moins on est efficace pour saisir des offres. »

La jeunesse en première ligne des victimes de la réforme

Autre situation et une presque décennie d’écart, Simon*, 23 ans, fait également partie des populations les plus touchées par la réforme : les jeunes qui débutent sur le marché de l’emploi. A la fin de ses études, cet été, il a réussi à décrocher un premier CDD de quatre mois, qui se terminera fin octobre. Suffisant, avant la réforme, pour toucher une allocation-chômage pendant quatre mois. Avec les nouvelles règles, le jeune montpelliérain n’est plus éligible, puisqu’il faut travailler au minimum six mois entiers en deux ans pour toucher une indemnité. Selon l’Unédic, 190.000 personnes n’ouvriront pas de droits dans les 12 prochains mois alors qu’elles auraient pu cotiser sans la réforme. 285.000 autres personnes verront leur ouverture de droits retardée, de cinq mois en moyenne, avec cette réforme. Dans ce total de 475.000 personnes, 160.000 ont moins de 26 ans, une catégorie « surreprésentée ».

Un changement qui indigne Simon : « Le gouvernement sait très bien la difficulté du marché de travail pour les jeunes et comment le coronavirus a rendu la jeunesse encore plus précaire. Comment une réforme qui nous affaiblit encore plus, nous qui avons perdu nos plus belles années et fait la queue pour des aides alimentaires, peut-elle passer en ce moment ? »

Une violence « économique, morale et symbolique »

Pour Hadrien Clouet, sociologue de l’emploi et du chômage, « cette réforme est une violence économique, mais aussi morale et symbolique. On rend les chômeurs responsables de la situation de la mauvaise situation de l’emploi en France, et on les pénalise eux au lieu de s’attaquer aux employeurs et aux entreprises. » Pour rappel, on estime à 300.000 le nombre de contrats non pourvus en France pour 2,4 millions demandeurs d’emploi.

Le sociologue poursuit : « On déséquilibre entre plus le rapport de force entre les chômeurs et les entreprises, déjà largement avantagées. L’argumentaire du gouvernement est que cette réforme lutte contre les contrats courts. Mais au contraire, les précarisés par la réforme ne pourront plus négocier et les employeurs pourront proposer des contrats encore pires qu’avant. Il y a une énorme violence dans cette asymétrie. »

« La tranquillité, ce n’est définitivement pas pour demain »

Psychologue, Sophie*, 47 ans, va perdre environ 100 euros par mois à la suite de la réforme. « Cela peut sembler pas grand-chose, mais quand on est précaire, chaque euro a une importance, alors en perdre une centaine… », souffle-t-elle. Elle a longtemps espéré que la réforme, contestée par l’ensemble des syndicats et suspendue à deux reprises par le Conseil d’Etat, soit encore reportée. Son passage en force fin septembre la mine de désespoir : « A deux mois de Noël, et après deux années privées de plaisir par le coronavirus, on subit la pire réforme contre les précaires. La tranquillité, ce n’est définitivement pas pour demain. »

Cette mère de deux enfants comptait sur les vacances scolaires de la Toussaint pour partir quelques jours oublier les difficultés des derniers mois. Un projet rendu impossible à la suite de la baisse à venir de son indemnité. Et tout ceux qui seraient tentés de penser qu’une personne ne travaillant pas n’a pas à partir en vacances, « qu’ils aillent bien se faire voir », conclut-elle. La colère n’a pas fini de gronder.

* Les prénoms ont été modifiés.

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